II
UNE HISTOIRE DE MARIN

John Allday fit la grimace : les yeux à l’abri du bord de son chapeau avaient remarqué que le canot de rade déviait de sa route à cause du courant côtier. Il relâcha légèrement la barre, et le canot tout frais repeint de vert suivit docilement l’autre, sans le moindre accroc dans la cadence. La réputation d’Allday, bosco personnel du vice-amiral, l’avait précédé.

Il observait attentivement l’armement du canot, mais son regard restait impénétrable. Ils tenaient l’embarcation de leur dernier bâtiment, l’Argonaute, un vaisseau pris sur les Grenouilles, mais Bolitho avait déclaré qu’il laisserait à son bosco le soin d’en sélectionner l’armement en puisant à bord de l’Hypérion. Il avait trouvé cela étrange. Tous les anciens se seraient portés volontaires pour passer à bord de l’Hypérion, car dans le cas contraire ils avaient bien peu de chances de pouvoir aller embrasser des êtres chers. Il laissa tomber son regard sur les silhouettes assises dans la chambre. Yovell, qui, de simple secrétaire qu’il était, avait été promu écrivain en titre. Le nouvel aide de camp était installé près de lui. Ce jeune officier semblait sympathique, bien qu’il ne fût pas issu d’une lignée de marins. Tous ceux qui saisissaient la chance d’une telle affectation y voyaient le moyen le plus sûr d’accélérer leur avancement. Il était pourtant trop tôt, se disait Allday. A bord, lorsque même les rats ne s’étaient pas encore fait leur place, mieux valait ne pas prononcer de jugement trop hâtif.

Son regard s’arrêta sur les épaules bien carrées de Bolitho et il essaya de se détendre. Depuis leur retour à Falmouth, il s’inquiétait pour lui. En dépit de ce qu’ils avaient subi et souffert pendant leur dernière bataille, ce retour aurait dû être grandiose. Même cette blessure à l’œil gauche paraissait moins terrible lorsque l’on pensait à tout ce qu’ils avaient vécu et surmonté ensemble. Cela remontait à environ un an. A bord d’un petit cotre, Le Suprême. Allday revivait chaque jour, la convalescence qui n’en finissait pas, l’énergie de cet homme qu’il aimait tant et qu’il servait depuis si longtemps, qui s’était battu pour remporter ce nouveau combat, pour cacher son désespoir et conserver la confiance des hommes placés sous ses ordres. Depuis vingt ans et plus qu’ils se connaissaient, Bolitho n’avait pas manqué une seule fois de le surprendre ! Comment pouvait-il rester un point sur lequel le surprendre encore ?

Une fois à Falmouth, ils étaient partis à pied du port et s’étaient arrêtés à l’église, ce membre de la famille Bolitho, pouvait-on dire. Elle portait la mémoire de générations entières, naissances et mariages, victoires navales et morts violentes y compris.

On était en été. Allday était resté près des grandes portes de l’église silencieuse. Avec un étonnement mêlé de tristesse, il avait entendu Bolitho prononcer son nom à voix haute : Cheney. Il n’avait rien dit d’autre et pourtant c’était si lourd de sens ! Allday voulait encore croire que, dès qu’ils auraient gagné la vieille demeure grisâtre en contrebas du château de Pendennis, la vie reprendrait son cours normal. Lady Belinda, si jolie, et qui, physiquement du moins, ressemblait tant à cette Cheney disparue, saurait le réconforter dès qu’elle verrait la gravité de son état. Elle réussirait peut-être à soulager la blessure morale qui le tourmentait et dont il ne parlait jamais, mais qu’Allday avait su discerner. Et si son autre œil était touché à son tour au combat ? Voilà ce qui emplissait de terreur tant de marins, tant de soldats. Se retrouver ainsi, impuissant, bon à être mis au rebut. Tout le monde était là pour les accueillir. Ferguson, le maître d’hôtel de la demeure, qui avait perdu un bras aux Saintes il y avait si longtemps ; Grâce, sa femme, les joues toutes roses, et les autres domestiques au complet. Rires et cris de joie avaient fusé, mais il avait coulé des larmes aussi. Pourtant, Lady Belinda était absente, ainsi que la petite Elizabeth. Ferguson expliqua qu’elle avait laissé une lettre où elle donnait les raisons de son départ. Dieu sait s’il est courant qu’un marin qui revient trouve sa famille dans l’ignorance de ses allées et venues, mais le moment n’aurait pas pu être plus mal choisi ni atteindre plus profondément Bolitho.

Et même son jeune neveu, Adam, entre-temps devenu commandant du brick La Luciole, ne pouvait le réconforter. On lui avait ordonné de repartir pour compléter ses vivres et faire le plein d’eau douce.

L’Hypérion était bien réel, lui. Allday jeta un coup d’œil à un nageur qui venait de donner un coup de pelle malheureux, faisant voler quelques embruns par-dessus le plat-bord. Foutus nageurs ! Il allait leur apprendre une ou deux petites choses, dût-il leur faire la leçon un par un.

Ce vieil Hypérion ne lui était pas étranger, alors que son équipage l’était. Était-ce voulu de la part de Bolitho ? Ou bien avait-il besoin qu’il en fût ainsi ? Allday ne savait trop.

Si Keen était resté capitaine de pavillon – l’idée fit sourire Allday –, ou bien encore ce pauvre Inch, les choses lui auraient semblé moins bizarres.

Le capitaine de vaisseau Haven était un pisse-froid. Son propre maître d’hôtel lui-même, un Gallois trapu nommé Evans, lui avait confié un jour qu’ils buvaient le coup que son patron manquait totalement d’humour et qu’il n’était sensible à rien.

Allday se retourna, il voyait les épaules de Bolitho. Entre eux, ce n’était pas du tout pareil. Ils avaient connu un bâtiment puis un autre, sillonné des eaux diverses ; une seule constante : l’ennemi. Et Bolitho l’avait toujours traité en ami, en membre de la famille, ainsi qu’il le lui avait dit un jour. Il avait fait cette remarque comme en passant, mais, pour Allday, cette simple phrase était un trésor qui valait plus que l’or.

C’était assez amusant quand on y pensait. Quelques-uns de ses vieux camarades de poste l’auraient même taquiné s’ils n’avaient pas craint ses poings. Car Allday, tout comme ce manchot de Ferguson, avait été racolé de force au service du roi et embarqué à bord du bâtiment de Bolitho, la frégate Phalarope : pas trop de quoi là-dedans fonder une amitié. Allday était toujours resté depuis lors avec Bolitho, depuis la bataille des Saintes, au cours de laquelle son précédent maître d’hôtel avait péri.

Il avait été marin toute sa vie, à l’exception d’une courte période à terre, lorsqu’il était berger. Rien d’autre. Il ne savait pas grand-chose de ses origines et de son enfance, et ne se souvenait même pas de ce à quoi pouvait ressembler sa maison. Maintenant qu’il se faisait vieux, cela le troublait de temps à autre.

Il observa attentivement les cheveux de Bolitho, le catogan attaché à la base du cou sous le chapeau galonné d’or. Ils étaient d’un noir de jais, et d’ailleurs il avait encore l’air très jeune. Parfois, on le prenait pour le frère du jeune Adam. Allday, pour ce qu’il en savait, avait le même âge que lui, quarante-sept ans, mais alors qu’il s’était empâté et que ses cheveux châtain devenaient poivre et sel, Bolitho donnait l’impression de ne pas changer.

Quand il était en paix, il pouvait être replié sur lui-même et grave. Mais Allday connaissait presque toutes ses facettes : un vrai lion au combat, un homme capable de s’émouvoir aux larmes lorsqu’il constatait l’étendue du massacre et des souffrances après la bataille.

Le canot de rade entama une boucle pour passer sous le boute-hors d’une jolie goélette. Allday poussa sur la barre, mais retint subitement son souffle en sentant sa blessure à la poitrine qui le brûlait. Elle le laissait rarement en paix. La lame de l’Espagnol qui avait surgi de nulle part, Bolitho qui s’était dressé pour le protéger avant de jeter son sabre, prêt à se rendre pour lui sauver la vie.

Cette blessure le gênait, il avait souvent du mal à dégager les épaules sans que la douleur lui élançât, cruelle réminiscence.

S’il était arrivé à Bolitho de lui suggérer de rester à terre, ne fût-ce que pour un temps, il ne lui proposait plus de quitter cette marine qu’il avait si magnifiquement servie, sous peine de lui faire bien plus de mal qu’il n’en avait déjà du fait de sa blessure.

Le canot pointa son étrave vers le môle le plus proche et Allday vit Bolitho serrer le fourreau du vieux sabre qui reposait entre ses genoux. Tant de batailles ! Tant d’occasions au cours desquelles ils s’étaient émerveillés d’en sortir vivants quand tant d’autres étaient tombés !

— Paré devant !

Il surveilla d’un œil critique le brigadier qui, posant son aviron, se levait avec sa gaffe, prêt à crocher. Les hommes avaient assez fière allure, il devait bien en convenir, avec leurs chapeaux cirés et leurs chemises à carreaux toutes neuves. Mais la peinture ne suffit pas à vous faire voguer un navire.

Allday lui-même était un homme assez imposant, encore qu’il n’en fût guère conscient, sauf lorsqu’il attirait l’œil d’une fille ou d’une autre. La chose arrivait plus souvent qu’il ne voulait bien l’admettre. Il portait sa belle vareuse bleue à boutons dorés, celle que lui avait offerte Bolitho. Avec son pantalon en nankin blanc, il collait tout à fait avec le personnage de Cœur de chêne[3], qu’on a si souvent applaudi sur scène, voire dans les représentations de plein air.

Le canot de rade s’écarta un peu, l’officier qui était à son bord se leva, chapeau bas, et ses hommes matèrent les avirons.

Allday sursauta en voyant Bolitho qui levait la tête dans sa direction et protégeait de sa main son œil sensible. Il ne prononça aucun mot, mais ce regard avait une signification muette, aussi nette que s’il avait parlé. C’était comme une prière, un signe de connivence destiné à lui seul et qui, l’espace de ces quelques secondes, avait exclu tous les autres.

Allday était un être simple, mais ce regard le poursuivit longtemps après que Bolitho eut quitté le canot. Il était à la fois ému et inquiet, comme s’ils venaient de partager quelque chose de précieux.

Quelques-uns des nageurs le regardaient. Il grogna.

— J’ai vu des mathurins meilleurs que vous se faire foutre à la porte d’un bordel, mais, pardieu, je vous garantis que vous ferez mieux la prochaine fois, c’est moi qui vous l’dis !

Jenour descendit à son tour, riant de voir l’aspirant qui rougissait du coup de gueule du bosco. L’aide de camp n’était au service de Bolitho que depuis un mois, mais il avait déjà discerné l’étrange charisme qui émanait de son chef, un homme qu’il considérait comme un héros depuis qu’il avait l’âge de cet aspirant timide. La voix de Bolitho le tira de ses pensées.

— Allons, venez, monsieur Jenour. Le canot peut attendre, pas des questions de guerre ou de paix !

Jenour réprima un sourire.

— Bien, sir Richard.

Il songeait à ses parents, dans le Hampshire ; ils avaient hoché la tête en l’entendant dire qu’il voulait devenir « un jour » l’aide de camp de Bolitho.

Bolitho, qui avait surpris son sourire, sentit l’accablement le reprendre. Il devinait les sentiments du jeune officier pour avoir eu les mêmes autrefois. Le versant privé de la vie d’un marin consistait à faire flèche de tout bois pour nouer et entretenir des amitiés. Quand le camarade tombait, c’était chaque fois la perte d’une partie de soi-même ; survivre ne consolait nullement du deuil – cela ne se pouvait jamais.

Il commença à grimper les marches du quai en pensant au second de l’Hypérion. Cette bonne tête de gitan, mais bien sûr ! C’était Keverne qu’il lui rappelait. Keverne tout craché. Charles Keverne, ancien second de l’Euryale, tué devant Copenhague alors qu’il était son capitaine de pavillon.

— Tout va bien, sir Richard ?

Mais bien sûr ; bon sang !

Bolitho se retourna brusquement et, posant la main sur le bras de Jenour :

— Pardonnez-moi, s’excusa-t-il. Le grade confère un certain nombre de privilèges, mais pas le droit d’être un butor.

Yovell, qui suait en grimpant les marches de pierre, poussa un soupir. Ce jeune lieutenant de vaisseau avait encore bien des choses à apprendre. Restait à espérer qu’il en aurait le temps.

 

La grande pièce paraissait divinement fraîche lorsqu’on avait subi la chaleur qui régnait de l’autre côté des fenêtres voilées.

Bolitho était assis dans un fauteuil à dossier droit et dégustait un verre de vin du Rhin, tout étonné que quelque chose pût rester si froid. Le lieutenant de vaisseau Jenour et Yovell étaient installés à une autre table couverte de dossiers remplis de notes et de rapports. Dire que c’était dans le même bâtiment, mais dans une aile plus austère, que Bolitho avait attendu anxieusement des nouvelles de son premier commandement !

C’était un blanc excellent et limpide. Un serviteur noir l’avait déjà resservi, manifestement, et il savait qu’il lui fallait demeurer sur ses gardes. Bolitho ne refusait pas un bon verre à l’occasion, mais il avait sans peine échappé à ce travers, fréquent dans la marine, qui pousse les gens à boire plus que de raison. On ne comptait plus ceux que cela avait conduits à connaître de sérieux ennuis en cour martiale.

Il se revoyait encore, au cours de ces sombres journées qu’il avait passées à Falmouth, lorsque, de retour, il s’était attendu à… à quoi, au juste ? Comment pouvait-il sincèrement éprouver dépit et amertume, alors que son cœur était resté à l’église, avec Cheney ?

La demeure était d’un calme de mort. Il avait déambulé sans relâche entre les ombres qui s’assombrissaient. La chandelle qu’il brandissait à bout de bras laissait errer des lueurs sur les portraits sévères qu’il connaissait depuis qu’il avait l’âge d’Elizabeth.

Lorsqu’il s’était réveillé, il avait la tête posée sur une table, au milieu de flaques de vin. Sa bouche était sèche, il se sentait rempli de dégoût. Il avait contemplé longuement les bouteilles vides, sans réussir à se rappeler qu’il était allé les chercher à la cave. Toute la maisonnée devait être au courant. Lorsque Ferguson était arrivé, il avait constaté qu’il portait toujours ses vêtements de la veille. Il lui avait fallu se traîner pour chercher de l’aide.

Bolitho avait dû contraindre Allday à lui dire la vérité. Il ne se souvenait plus de lui avoir donné l’ordre de quitter la maison et de le laisser seul avec ses tourments. Et en fait, il pensait lui avoir dit bien pis encore. Plus tard, il avait appris qu’Allday lui aussi avait passé sa nuit à boire dans la taverne, cette taverne où la fille du tenancier l’attendait et espérait.

Il leva la tête et comprit soudain que l’autre officier s’adressait à lui.

Le commodore Aubrey Glassport, responsable de l’arsenal d’Antigua et, jusqu’à l’arrivée de l’Hypérion, officier de marine le plus ancien sur place, était en train de lui décrire la situation, ainsi que la façon dont avaient été disposées çà et là les patrouilles locales.

— La zone maritime est vaste, sir Richard, nous avons du mal à chasser et à arraisonner les briseurs de blocus et tous les autres. D’un autre côté, les Français et leurs alliés espagnols…

Bolitho tira la carte vers lui. Toujours la même histoire : pas assez de frégates, trop de vaisseaux de haut bord que l’on expédiait ailleurs pour renforcer les flottes de la Manche et en Méditerranée.

Il venait de passer une heure à étudier différents rapports, les données obtenues, qu’il fallait évaluer en fonction de l’investissement en journées, en semaines, mises à patrouiller parmi ces îles et îlots innombrables. De temps à autre, un capitaine un peu plus audacieux risquait sa vie et sa carcasse pour tenter une incursion dans un mouillage de l’ennemi. Il y faisait parfois une prise, il exécutait de temps en temps un bombardement éclair. Si cela faisait des pages agréables, c’était loin de contribuer à diminuer un ennemi très supérieur. Il pinça les lèvres : supérieur, peut-être, mais seulement en nombre.

Glassport prit son silence pour de l’approbation et poursuivit. C’était un homme rond, bien en chair, le cheveu rare, dont la face de lune disait assez qu’il passait sa vie à prendre du bon temps plus qu’à se battre avec les éléments ou contre le Français.

Voilà bien longtemps qu’on aurait dû le mettre à la retraite, s’était laissé dire Bolitho, mais il entretenait de bons rapports avec les gens de l’arsenal, si bien qu’on l’avait laissé à son poste.

A en juger par sa cave, il entretenait également les meilleures relations du monde avec les responsables de l’approvisionnement.

Glassport continuait :

— Je suis parfaitement au fait de vos exploits, sir Richard, et vous ne sauriez croire combien je suis honoré de vous voir rendre visite à mon établissement. Je crois bien que, lorsque vous êtes venu ici pour la première fois, l’Amérique se battait également contre nous avec ses nombreux corsaires, en même temps que la flotte française.

— Que nous ne soyons plus en état de guerre avec l’Amérique, fit observer Bolitho, ne signifie pas nécessairement qu’elle ne représente pas une menace et ne réduit pas le risque de la voir fournir ravitaillement et navires à l’ennemi – et, reposant la carte : Pendant les semaines qui viennent, je désire que l’on prenne contact avec tous les vaisseaux en patrouille. Disposez-vous d’un brick courrier ?

Son interlocuteur laissa paraître un certain étonnement ; il hésitait. Il voyait venir la fin d’une petite vie tranquille et assez confortable.

— Je veux voir chaque commandant individuellement. Pouvez-vous m’organiser ces rencontres ?

— Eh bien, euh… c’est-à-dire… oui, sir Richard.

— Parfait.

Il prit son verre et observa attentivement le soleil qui se reflétait sur le pied. Qu’il le déplaçât très légèrement sur sa gauche, et… Il attendit un peu, conscient du regard attentif de Yovell, de celui, plus curieux, de Jenour. Il ajouta :

— On m’a dit que l’inspecteur général de Sa Majesté se trouvait encore aux Antilles…

— Mon aide de camp, murmura faiblement Glassport, doit savoir exactement ce qui…

Bolitho se raidit : le verre se brouillait devant ses yeux, comme un rideau vaporeux qui tombait. Cette fois-ci, le phénomène avait été plus brutal, ou bien était-il obnubilé au point d’imaginer que son état s’aggravait ? Il s’exclama :

— Ma question est très simple : est-il ici ou non ?

Il baissa les yeux sur sa main posée entre ses jambes, elle tremblait sans doute. Remords, colère, non, ce n’était pas cela. Comme sur le quai, lorsqu’il s’en était pris à Jenour. Il reprit plus calmement :

— Cela fait plusieurs mois qu’il est dans les parages, il me semble ?

Il releva la tête, anxieux à l’idée que son œil pourrait se brouiller une fois encore.

— Le vicomte Somervell se trouve ici même, à Antigua, répondit Glassport. Je crois, ajouta-t-il, méfiant, qu’il est satisfait de ses investigations.

Bolitho resta silencieux. L’inspecteur général risquait de ne constituer qu’une gêne supplémentaire alors que la guerre était un fardeau bien suffisant. Il paraissait absurde de voir un personnage si grassement payé occupé à inspecter les Indes occidentales, quand l’Angleterre, dressée seule contre les flottes française et espagnole, craignait chaque jour d’être envahie.

Les ordres que Bolitho tenait de l’Amirauté étaient clairs : joindre sans retard le vicomte Somervell, dût-il se rendre dans une autre île, même à la Jamaïque.

Mais il était sur place. C’était toujours autant de gagné.

Bolitho se sentait las. Il avait rencontré la plupart des autorités, les responsables de l’arsenal, il avait inspecté deux cotres à hunier que l’on équipait pour les intégrer à la flotte, il avait fait le tour des batteries côtières. Jenour et Glassport avaient eu du mal à suivre son rythme.

Glassport le regarda terminer son verre avant de dire :

— Il y aura une petite réception ce soir en votre honneur, sir Richard… – puis, après une hésitation due aux yeux gris se posant sur lui – quelque chose de bien modeste, mais nous l’avons organisée à la dernière minute lorsque… euh… votre vaisseau amiral a été annoncé.

Bolitho remarqua cette hésitation. Encore un qui ne comprenait pas le choix de son bâtiment.

Glassport devait craindre une rebuffade, car il insista :

— Le vicomte Somervell compte absolument sur vous.

— Je vois – et, avec un coup d’œil à Jenour : Prévenez le commandant.

Comme l’officier s’apprêtait à disposer, Bolitho ajouta :

— Faites porter le message par mon bosco. J’ai besoin de vous ici.

Jenour s’arrêta avant d’acquiescer. Décidément, c’était un jour où il ne cessait d’apprendre.

Bolitho attendit que Yovell eût posé une nouvelle pile de papiers sur la table. Cela le changeait de son commandement, de la conduite au jour le jour d’un vaisseau et de ses affaires. Un bâtiment ressemble à une petite ville, à une famille plutôt. Il se demanda comment Adam s’en sortait avec son nouveau commandement. Il cherchait, mais la seule réponse qui lui venait était l’envie. Adam vivait exactement ce qu’il avait lui-même vécu. Plus insouciant peut-être, mais aussi méfiant envers ses supérieurs.

Glassport le regarda feuilleter la liasse, tandis que Yovell attendait à distance respectueuse.

Ainsi, il l’avait sous les yeux, l’homme qui était devenu une légende vivante, le nouveau Nelson, à en croire certains. Encore que Nelson, dans les hautes sphères, ne fût pas précisément en odeur de sainteté… C’était l’homme de la situation pour mener une flotte. Un homme indispensable, mais après ? Il scrutait le visage penché de Bolitho, la mèche rebelle qui pendait sur son œil. Un visage grave, expressif, songeait-il, mais difficile à imaginer dans les batailles dont il avait lu les relations. Il savait que Bolitho avait été grièvement blessé à plusieurs reprises, qu’il avait manqué succomber à la fièvre, mais guère davantage.

Un chevalier du Bain, issu d’une vieille famille de marins, que le peuple anglais considérait comme un héros. Tout ce que Glassport aurait aimé être et avoir.

Alors, pourquoi donc était-il venu à Antigua ? Il n’y avait pas d’activité particulière en vue pour une flotte et, à condition qu’on leur fournît des renforts pour leurs flottilles, ainsi que la relève pour… Il s’était assombri lorsque Bolitho avait mis le doigt sur ce point précis, comme s’il avait pénétré ses pensées, avec ses yeux calmes et gris.

— Les Espagnols se sont emparés de la frégate La Conserve ?

Cela sonnait comme une mise en accusation.

— Cela fait deux mois, sir Richard. Elle s’est échouée en combattant. L’une de mes goélettes a réussi à récupérer la plus grosse partie de son équipage avant que l’ennemi s’en empare. La goélette s’est fort bien comportée, j’ai pensé que…

— Le commandant de La Conserve ?

— Il est à Saint John’s, sir Richard. Il attend que la cour martiale se réunisse.

— Vraiment ?

Bolitho se leva et se retourna en entendant Jenour qui revenait.

— Nous partons pour Saint John’s.

Jenour avala sa salive.

— S’il y a une voiture, sir Richard…

Il regardait Glassport, espérant trouver un soutien.

Bolitho prit son sabre.

— Deux chevaux, mon garçon.

Il essayait de cacher l’excitation qui le prenait soudain. Ou bien tentait-il seulement de masquer son inquiétude ?

— Vous venez du Hampshire, c’est bien cela ?

— Oui, répondit Jenour, c’est-à-dire…

— C’est donc entendu. Deux chevaux, immédiatement.

Glassport les regardait tour à tour.

— Mais… la réception, sir Richard ?

Il avait l’air horrifié.

— Cela me donnera de l’appétit – et, avec un grand sourire : Je reviendrai.

Il pensait à la patience dont savaient faire preuve Allday, Ozzard et les autres.

— En route !

 

Bolitho, après s’être attentivement examiné dans le miroir ouvragé accroché au mur, chassa la mèche de son front. Il apercevait dans la glace Allday et Ozzard qui l’observaient non sans inquiétude. Jenour, son nouvel aide de camp, se massait la hanche après leur chevauchée jusqu’à Saint John’s et retour.

Si chaleur et poussière avaient été au rendez-vous, ils s’étaient en revanche bien plus amusés que prévu et, ne fût-ce que pour le spectacle des passants qui les voyaient passer au galop en plein soleil, ils ne regrettaient pas le déplacement.

Il faisait nuit maintenant, le crépuscule tombait vite dans ces îles, et Bolitho dut remettre de l’ordre dans sa tenue. On entendait le son des violons, le murmure étouffé des voix qui provenaient de la grande salle où allait être donnée la réception.

Ozzard lui avait rapporté du bord une paire de bas propres et Allday avait pris le joli sabre d’apparat à ceindre en lieu et place de la vieille lame.

Bolitho soupira. La plupart des bougies étaient protégées par de grands verres pare-vent, si bien que la lumière n’était pas trop vive. Cela dissimulerait un peu sa chemise froissée et les marques laissées par la selle sur son pantalon. Il n’avait pas eu le temps de repasser à bord de l’Hypérion. La peste soit de ce Glassport et de sa réception ! Il aurait préféré rester dans sa chambre pour réfléchir, après tout ce que le commandant de la frégate venait de lui apprendre.

Le commandant Matthew Price était bien jeune pour se trouver à la tête d’un aussi beau vaisseau. La Conserve, un trente-six, se trouvait au milieu des récifs lorsqu’elle avait été prise sous le feu d’une batterie côtière. Elle était trop près de terre et elle s’était malencontreusement échouée. Glassport lui avait fait un rapport fidèle. Une goélette avait recueilli à son bord la plus grande partie de l’équipage, mais avait dû s’arrêter et s’enfuir en voyant arriver des vaisseaux de guerre espagnols.

Le commandant Price était si jeune qu’il n’était pas encore confirmé, et si une cour martiale le condamnait, ce qui était plus que probable, il aurait tout perdu. Au mieux, il serait rétrogradé à son ancien grade de lieutenant de vaisseau. Et au pis, mieux valait n’y pas penser.

Price avait été placé en résidence surveillée dans une petite maison, propriété du gouvernement, en attendant de passer en cour martiale. Là, il avait eu le temps de réfléchir. Et il se disait qu’il aurait mieux valu pour lui être fait prisonnier ou tomber au combat. En effet, son bâtiment avait été remis à flot et servait à présent sous le pavillon de Sa Majesté Catholique à La Guaira, dans la mer d’Espagne[4]. Les frégates n’avaient pas de prix, et la marine en manquait cruellement. Lorsque Bolitho avait navigué en Méditerranée, il n’y avait que six frégates disponibles de Gibraltar au Levant. Le président de la cour qui jugerait Price risquait peu d’omettre cet élément dans ses attendus.

A un moment, désespéré, le jeune commandant avait demandé à Bolitho ce qui selon lui l’attendait.

Bolitho lui avait répondu qu’il avait toutes chances de voir son propre sabre pointé vers lui lors de l’audience[5]. Faire courir un péril à son bâtiment était une chose, laisser un ennemi détesté s’en emparer était une tout autre affaire.

Promettre à Price qu’il pourrait tenter quelque chose pour influer sur les conclusions de la cour n’aurait pas eu de sens. Price avait pris de gros risques pour découvrir les intentions des Espagnols. Sans parler de ce que Bolitho savait déjà, la valeur de ce qu’il avait appris serait peut-être inestimable. Mais cela n’allait guère aider le commandant de La Conserve.

Bolitho finit par dire :

— Je pense qu’il est l’heure – et, jetant un coup d’œil à la grosse pendule : Nos officiers sont-ils toujours ici ? ajouta-t-il.

Jenour acquiesça d’un signe de tête avant de faire la grimace. Ses cuisses et ses fesses étaient douloureuses. Bolitho était un cavalier exceptionnel, mais lui aussi. Ou du moins était-ce ce qu’il avait cru après la plaisanterie de Bolitho sur les gens du Hampshire, qui avait eu sur lui l’effet d’un coup d’éperon. Pourtant, Jenour n’avait jamais réussi à suivre son train. Il répondit :

— Le second est arrivé avec les autres tandis que vous vous changiez, sir Richard.

Bolitho baissa les yeux sur ses bas immaculés et se souvint de l’époque où, jeune officier subalterne, il n’en possédait qu’une seule et unique paire, qu’il réservait à des occasions comme celle-ci. Il avait porté les autres si souvent que c’était miracle s’ils étaient toujours entiers.

Cela lui laissa le temps de penser à la réaction du capitaine de vaisseau Haven, qui avait demandé à rester à bord. Il avait argué qu’une tempête pouvait se lever sans crier gare et l’empêcher de rentrer à temps pour prendre les mesures nécessaires. L’air était lourd et humide, le soleil avait été rouge sang à son coucher.

Le maître pilote de l’Hypérion, Isaac Penhaligon, un pays cornouaillais – au moins de naissance –, avait insisté et assuré qu’une tempête était hautement improbable. On aurait dit que Haven préférait rester seul, même si certains pouvaient considérer son absence à la réception comme offensante.

Si seulement Keen avait encore été son capitaine de pavillon ! Il lui aurait suffi de demander, Keen serait venu. Fidélité, amitié, amour, il y avait un peu de tout cela.

Mais Bolitho l’avait pressé de rester en Angleterre, au moins le temps de régler les problèmes de sa bien-aimée, Zénoria. Si Keen souhaitait une chose plus que toute autre, c’était d’épouser sa jeune fille aux yeux sombres et aux cheveux châtain. Ils s’aimaient, ils étaient si évidemment amoureux l’un de l’autre que Bolitho ne voulait pas risquer de les séparer si peu de temps après qu’ils s’étaient trouvés.

Ou bien, était-ce qu’il comparait leur amour avec ce qui se passait dans son propre foyer ?

Il s’arrêta net dans ces pensées. Elles auraient pu l’effrayer. Encore une chose que Bolitho avait trouvée dure à admettre déjà du temps qu’il était commandant. Lorsqu’il mettait pour la première fois le pied à bord d’un nouveau commandement, il essayait de cacher sa nervosité et son appréhension. Ce n’est que bien plus tard qu’il avait compris à quel point l’équipage avait beaucoup plus de raisons de se faire du souci sur ce que lui pourrait faire. Jenour demanda respectueusement :

— Partons-nous, sir Richard ?

Bolitho avait envie de tâter son œil gauche, mais, au lieu de cela, il fixa le verre de lampe le plus proche et le léger filet de fumée noire qui montait vers le plafond. L’image était nette. Pas d’ombres, pas ce voile qui le trompait et lui faisait perdre l’équilibre.

Il jeta un coup d’œil à Allday. Il lui parlerait sous peu de son fils. Allday n’avait pas soufflé mot sur son compte depuis que le jeune homme avait débarqué de l’Argonaute lors de leur retour en Angleterre. Si j’avais eu un fils, peut-être aurais-je trop exigé de lui. J’aurais peut-être espéré le voir s’intéresser aux mêmes choses que moi.

Des laquais, invisibles dans l’ombre, ouvrirent en grand les deux battants d’une porte magnifique.

La musique et le brouhaha des conversations faisaient autant de bruit que le ressac sur un récif. Bolitho sentit tous ses muscles se tendre, comme s’il s’attendait à recevoir une balle de mousquet.

En avançant le long du corridor orné de colonnades, il s’interrogeait sur l’imagination qu’on avait dû déployer et le travail qu’il avait fallu fournir pour bâtir cette demeure sur une île aussi minuscule. Un endroit qui, au gré des circonstances, avait fini par devenir un atout vital dans la stratégie navale de l’Angleterre.

Il entendait les talons de Jenour frapper le sol, et sourit à demi en se rappelant ses efforts pour rester à sa hauteur, encolure contre encolure. Ils ressemblaient davantage à deux gentilshommes campagnards qu’à des officiers du roi.

Il aperçut les couleurs variées des robes de ces dames qui, les épaules nues, jetaient des regards curieux au fur et à mesure qu’il s’approchait de la masse des gens. Personne n’avait été prévenu longtemps à l’avance de son arrivée, Glassport le lui avait dit, mais il devinait que tout officiel en visite, tout navire en provenance d’Angleterre constituaient des événements bienvenus.

Il remarqua quelques officiers du carré de l’Hypérion. Leurs tenues bleu et blanc faisaient contraste avec les uniformes écarlates des militaires et des fusiliers marins. Une fois encore, il dut se retenir de chercher des visages familiers, d’essayer de reconnaître une voix, comme s’il espérait encore qu’on lui serrerait la main ou que quelqu’un lui ferait un petit signe de reconnaissance.

Il fallait monter quelques marches entre deux piliers massifs. A l’autre bout du tapis, il aperçut Glassport qui le regardait, visiblement soulagé de voir qu’il était rentré à temps de sa chevauchée. Au centre se tenait une silhouette, un homme à l’air débonnaire, très élégant, vêtu de blanc des pieds à la tête. Bolitho savait fort peu de chose de celui à qui il venait se présenter. Le très honorable vicomte Somervell, inspecteur général de Sa Majesté aux Antilles, ne portait apparemment rien qui parût s’accorder à ses fonctions. Il faisait des apparitions régulières à la cour et aux réceptions où il convenait de se montrer, on disait de lui que c’était un joueur invétéré et un escrimeur renommé. Ce dernier point était avéré et on racontait que le roi lui-même était intervenu en sa faveur après qu’il eut trucidé un homme en duel. Pour Bolitho, c’était là malheureusement chose aussi habituelle qu’attristante. Mais tout cela ne le qualifiait guère pour se trouver ici.

Un valet de pied muni d’une longue canne frappa le sol et aboya :

— Sir Richard Bolitho, vice-amiral de la Rouge !

Le silence qui se fit brutalement avait quelque chose de palpable. Bolitho se sentit le point de mire de l’assemblée tandis qu’il s’avançait sur le tapis. Il remarqua les camées ; les musiciens qui gardaient leurs fifres et leurs violons figés à mi-course, un jeune officier de marine qui donnait un coup de coude à un camarade puis baissait piteusement les yeux lorsqu’il sentit Bolitho le foudroyer du regard ; le coup d’œil effronté lancé par une dame dont la robe était coupée si courte qu’elle aurait tout aussi bien pu se passer de s’habiller, un autre d’une jeune fille qui lui sourit timidement avant de se cacher derrière son éventail.

Le vicomte Somervell ne fit pas un mouvement pour venir à sa rencontre. Il resta piqué là, une main posée négligemment sur la hanche en agitant mollement l’autre le long du corps. Il arborait un petit sourire pincé qui pouvait être d’amusement aussi bien que de lassitude. Ses traits étaient ceux d’un jeune homme, mais ses yeux troubles évoquaient l’homme revenu de tout.

— Bienvenue à…

La brusque volte-face de Somervell gâta sa pose étudiée, et ses yeux lancèrent l’anathème sur la table roulante couverte de chandeliers qu’on voiturait dans son dos.

Ce supplément de clarté aussi soudain qu’aveuglant, juste à hauteur d’homme, prit Bolitho à contre-pied, au moment précis où il enjambait la première marche. Une dame en noir, qui jusque-là se tenait immobile près du vicomte, s’élança pour lui saisir le bras, cependant que lui, à travers la forêt de chandelles, ne voyait dans toutes ces faces qui le dévisageaient que surprise et curiosité, rendues avec l’art d’un peintre ayant fixé sur sa toile un cercle de badauds.

— Je vous demande pardon, madame !

Bolitho retrouva son équilibre et essaya de résister au retour du voile sans se protéger les yeux. Il avait le sentiment de se noyer, de couler dans des eaux de plus en plus profondes.

— Je vais bien, fit-il enfin.

Il s’arrêta sur la robe de cette dame. Elle n’était pas noire, non, mais d’un vert merveilleux, une soie moirée qui semblait changer de couleur dans les plis et les courbes comme le lui avait révélé la lumière qui avait fini par l’aveugler. La robe était ample, le décolleté profondément découpé. Les cheveux, qu’il revoyait encore si nettement, longs, aussi noirs que les siens, étaient coiffés en macarons au-dessus des oreilles.

Tous les visages, le murmure des voix qui reprenait, ces gens qui s’interrogeaient, tout cela disparut d’un coup. Il venait de reconnaître Catherine Pareja. Kate.

Il en oublia sa cécité d’un instant et la dévora des yeux. Ce furent les siens qu’il vit en premier, rongés d’inquiétude, mais qui se rassérénaient petit à petit à force de volonté. Elle le savait chez eux ; lui seul était surpris.

La voix de Somervell semblait venir de très loin. Il avait retrouvé son calme et toute la maîtrise de lui-même.

— Mais bien sûr, j’avais oublié, vous vous êtes déjà rencontrés.

Bolitho prit la main qu’elle lui tendait et s’inclina. Jusqu’au parfum : elle portait toujours le même…

Il l’entendit qui répondait :

— Oui, cela fait bien longtemps.

Lorsque Bolitho leva les yeux, elle avait repris un air étrangement lointain, avec beaucoup d’assurance. D’indifférence, presque. Elle ajouta :

— Comment pourrait-on oublier un héros ?

Elle tendit le bras à son mari et se tourna vers les visages qui les observaient.

Bolitho sentit une violente douleur au cœur. Elle portait les longues boucles d’oreilles en or, celles qu’il lui avait offertes dans cet autre univers, à Londres.

Des laquais arrivaient, chargés de plateaux et de verres étincelants. Le petit orchestre reprit vie.

A travers le verre de vin, sans se soucier des visages rouges et compassés, leurs yeux se rencontrèrent. Ils étaient seuls.

Glassport lui parlait, mais il n’entendait rien. Après ce qui venait de se passer, ce qu’ils avaient vécu revenait s’interposer entre eux. Il fallait éteindre ce souvenir avant qu’il ne les détruisît tous les deux.

 

A l'honneur ce jour-là
titlepage.xhtml
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_025.html
Kent,Alexander-[Bolitho-17]A l'honneur ce jour-la(1987).French.ebook.AlexandriZ_split_026.html